Entendu à l’hôpital à propos de l’AAD : « cela ne se [fait] pas, [c’est] même interdit »
Madame la Présidente,
Âgée de bientôt 30 ans, en couple depuis quelques années et vivant avec mon conjoint, l’idée d’avoir des enfants fait petit à petit sa place dans mon esprit. Pas que ce soit une obligation – loin de là – mais parce que la transmission, le fait de donner la vie, d’élever un petit être et lui permettre de s’épanouir au sein de la société tout en lui donnant les meilleurs repères, sont des choses qui deviennent importantes pour moi, et je n’imagine pas mener à bien ce projet autrement qu’avec douceur, respect et amour.
Issue du milieu paramédical, je connais les violences qui sont parfois injustement infligées aux patients, quels que soient les services, et je me rappelle très bien celles que j’ai subies en étant moi-même à leur place. En parlant à des amis, des connaissances, des personnes rencontrées lors de différentes circonstances – des professionnels de la santé parfois – il m’est apparu qu’un grand malaise régnait en France pour tout ce qui touche à la grossesse et à la naissance: les patientes ne sont pas informées de leurs droits, elles sont infantilisées, on leur refuse la prise en charge si elles veulent accoucher à domicile, elles subissent une pression inimaginable lorsqu’elles osent refuser un soin ou un acte qui n’est pas obligatoire, on ne demande pas forcément leur consentement éclairé pour l’administration de certaines substances controversées, on ne leur explique pas clairement les actes effectués – dont certains sont inutiles voire délétères, on leur impose une position gynécologique douloureuse, elles ne peuvent pas être actrices de leur accouchement comme elles devraient l’être au nom de la libération du planning de certains intervenants ou de la salle de travail, parfois le père ou la personne rassurante est tenue à l’écart – causant un traumatisme certain pour la parturiente, manquements à la Charte des Patients… Bien sûr, ce n’est pas le cas partout, fort heureusement il existe de nombreux professionnels consciencieux, respectueux et faisant leur maximum pour faire de la naissance d’un enfant le plus beau jour de la vie de ses parents. Mais l’abondance de témoignages allant à l’encontre de cela a commencé à me perturber.
En 2009, j’ai contacté une maternité, pour avoir quelques renseignements au sujet de la grossesse, comment cela se déroulait au niveau administratif, les conditions d’accueil… lorsque j’ai abordé le sujet de l’accouchement à domicile, la sage-femme que j’ai eue au téléphone fut interloquée et m’a assuré « que cela ne se faisait pas, et que c’était même interdit ». C’était donc il y a 5 ans. J’ai trouvé cela très étonnant, et après quelques recherches, il m’est apparu qu’en France, l’imbroglio concernant l’accouchement à domicile est grand, et qu’il y a même désinformation totale, la réponse de cette professionnelle le prouvant.
Depuis le début de ma vie d’adulte pourtant, il y a quelque chose dont je suis certaine : je souhaite donner la vie dans la chaleur de mon foyer.Jamais il ne m’a semblé logique – sauf cas d’urgence ou de maladie – de faire naître son enfant dans le bruit, la lumière, la médicalisation, le surnombre et les actes invasifs. Une naissance physiologique se doit d’être douce, chaleureuse, rassurante, pleine d’amour entourée par les siens. Malheureusement aujourd’hui il est devenu habituel voire quasi obligatoire d’accoucher à l’hôpital.
Et c’est anormal.Loin de moi l’idée de critiquer la nécessité et l’efficacité des services d’obstétrique, mais il est clair que la France et le système de santé tel qu’il agit actuellement, bafouent nos droits humains et nos droits de mères. L’OMS est clair dans ses recommandations, et l’accouchement à domicile est légal. Les Maisons de Naissance et autres Salles Nature sont certes une accommodation intéressante pour les femmes qui souhaitent rester dans un contexte médicalisé, mais qu’en est-il de nous, qui souhaitons donner la vie à domicile ?
JE NE VEUX PAS d’une autre solution. Je veux que mon droit à donner naissance à la maison soit respecté et que rien ne vienne entraver sa réalisation volontairement. La suppression de ce droit entraînera un choix par défaut : en cas de grossesse physiologique, il est clair que si je ne trouve pas de sage-femme assez proche et/ou disponible pour intervenir lors de mon accouchement, j’accoucherais sans la présence d’un professionnel. Parce que c’est mon droit, parce que c’est moi qui décide, parce que je ne veux pas que la naissance de mon enfant soit traitée comme une maladie, parce que c’est moi et personne d’autre qui lui donnerai la vie, parce qu’aussi le système actuel est injuste envers des professionnels soucieux du bien-être de leurs patients, et préfère perdre de l’argent en promouvant des accouchements physiologiques en structure plutôt que des accouchements à la maison, pourtant ad minima 3 fois moins onéreux.
Au cours des derniers mois, trois sages-femmes ont été radiées par la chambre disciplinaire du Conseil Interrégional des Sages-Femmes du Sud-Ouest. 3 sages-femmes qui ne peuvent plus donner naissance à des enfants dans l’environnement le meilleur qui soit ; combien de femmes vont ainsi risquer un accouchement seules plutôt qu’en structure à cause de ces décisions ? Combien de femmes doivent déjà déménager, faire parcourir des centaines de kilomètres et accueillir pour plusieurs jours leur sage-femme parce qu’il n’y en a aucune plus proche, voire même faire naître leur enfant dans un autre pays ? Lorsque je serai enceinte, il est possible que j’envisage de quitter le pays, et de rester dans le pays d’accueil si la situation ne venait pas à s’améliorer. La France était pour moi un pays de droits, un lieu de respect et une place où les différents acteurs étaient capables de voir le meilleur et d’agir en conséquence. Il apparaît qu’il est plus facile d’adapter sa conduite pour plaire à certains plutôt que respecter les droits fondamentaux de ses concitoyens. Je suis déçue, j’ai même honte, mais je suis d’autant plus déterminée. J’espère que ce courrier, accompagné de nombreux autres, avec le soutien du Collectif de Défense de l’Accouchement À Domicile, permettra une prise de conscience en plus Haut Lieu, de faire évoluer les choses dans le bon sens, et de faire respecter le libre choix des femmes.
Je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, mes meilleures salutations.